Imaginez rentrer d'un voyage. À votre arrivée à l'aéroport de Bruxelles, les douanes vous contrôlent.
Vous réalisez que vous n’avez pas déclaré des biens qui devaient l’être. L’administration générale des douanes et accises souhaite vous infliger une sanction et vous propose une transaction pour mettre fin au litige. Les ennuis commencent...
Est-ce qu’un recours est ouvert contre la décision de l’administration ? Si vous refusez la proposition transaction, que risquez-vous ? Une simple amende administrative que vous pourrez contester devant le juge civil ou allez-vous faire l’objet d’une procédure pénale ?
Position du problème : un système hybride de sanctions et de recours
Le mécanisme de sanctions et de recours pour les infractions à la réglementation douanière est particulier en raison de son système hybride. Il permet à la fois un recours administratif contre les décisions de l’administration et un accès à un juge civil, tout en autorisant l'administration à engager des poursuites pénales pour toutes les infractions dont elle a la charge.
En effet, comme le Directeur régional a le contrôle de l'action publique concernant les infractions douanières, il apprécie souverainement l’opportunité d’initier des poursuites. L’administration peut aussi proposer une transaction plutôt que de porter l’affaire devant les tribunaux. Dans la pratique, ce pouvoir d’appréciation est souvent appliqué de manière pragmatique, sauf pour les infractions graves ou organisées.
En parallèle, chaque personne a le droit de contester les décisions des autorités douanières. Ce droit de recours, garanti par l’article 44 du Code des Douanes de l’Union (CDU) et l’article 211 de la Loi générale sur les douanes accises, s’exerce dans un premier temps au niveau administratif, et dans un second temps, si nécessaire, devant un tribunal indépendant.
Situation avant la réforme de 2024
Si l’administration vous proposait une transaction, aucun recours n’était possible. Du moins, c’est ce qu’elle invoquait, à tort, en s’appuyant sur l’article 213 de la loi qui exclut le droit de contester une proposition de transaction.
Cependant, cet article viole l’article 44 du CDU qui garantit un droit de recours sans exception. Résultat: l’administration rejetait purement simplement le recours et vous citait à comparaître devant le tribunal correctionnel pour recouvrer sa créance.
En d’autres termes, pour un simple oubli (ou une méconnaissance) de déclarer vos biens dont la valeur dépasse la franchise de la taxe à l’importation (430 euros), vous vous retrouviez happé dans une procédure pénale infamante où vous :
- étiez présumé coupable en raison de l’inversion de la charge de la preuve qui s’opère pour ce type d’infraction ;
- risquiez des sanctions lourdes (confiscation, amendes, emprisonnement accessoire) ;
- perdiez votre droit à la phase administrative du recours.
Situation actuelle
Il était plus que temps de dépoussiérer le mécanisme des sanctions en matière de douanes et accises qui, jusqu’à présent, rendait toutes les infractions douanières passibles de sanctions pénales indépendamment de leur gravité ou de leur caractère intentionnel. Aujourd’hui, c’est chose faite !
L'article 22 de la loi du 14 avril 2024, entrée en vigueur le 13 mai 2024, a élargi le système des sanctions administratives en introduisant un nouvel article 266/3 dans la loi.
Ce nouvel article prévoit qu'un administratif une amende sera encourue pour toute erreur ou manquement à une obligation douanière si les conditions suivantes sont remplies :
- L'infraction n'a pas été commise sciemment et volontairement
- L'erreur ou la non-conformité ne donne pas lieu à une dette douanière, ou si c'est le cas, le montant n'excède pas 10 000 euros.
Le montant de l’amende varie entre 250 et 5.000 euros, selon la nature et la gravité de l’infraction, sur la base d’une échelle fixée par le Roi.
Elle peut être levée à l’égard des personnes qui démontrent qu’elles ont agi comme toute personne normale, prudente et raisonnable dans les mêmes circonstances (ce qui n’est pas sans rappeler l’erreur invincible à démontrer devant le juge pénal pour obtenir l’exonération de sa responsabilité pénale).
Le recours contre l’amende ne peut être introduit que devant le tribunal fiscal compétent du lieu où l’erreur ou l’infraction a eu lieu. Sous peine de déchéance, il doit être introduit dans un délai de trois mois à compter du troisième jour ouvrable suivant la date de notification de la décision. L’introduction du recours a pour effet de suspendre les mesures d’exécutions.
Enfin, il sera fait usage de la plateforme électronique en cours de développement au sein du SPF Finances pour faciliter la gestion des amendes administratives (à ce sujet voy notamment notre dernier article, “La digitalisation des relations entre le fisc et le contribuable : vers une nouvelle ère”, disponible sur notre site web).
Conclusion
Le scénario où un simple retour de voyage se transforme en cauchemar à cause d'une omission de déclaration en douane, autrefois passible de sanctions pénales, appartient désormais au passé. La réforme de 2024 limite le pouvoir discrétionnaire de l'administration, qui pouvait autrefois poursuivre toutes les infractions pénalement, sans distinction.
Désormais, les erreurs ou inobservations vénielles et sans intention délictueuse sont traitées de manière proportionnée, via une procédure administrative avec un accès au juge fiscal. Ce qui permet un débat plus serein à l’abri des sanctions pénales.
Nous nous réjouissons de cette réforme qui apporte davantage de sécurité juridique aux voyageurs.
Chez Vanbelle Law Boutique, nous serions heureux de vous accompagner dans vos litiges douaniers et vous apporter des solutions adaptées à vos besoins.
Walid JAAFARI
Junior associate