La blockchain, souvent associée au Bitcoin et aux autres cryptomonnaies, présente un potentiel important et est considérée par beaucoup comme la technologie du futur.
Caractéristiques et potentiel
Cette technologie permet de stocker des informations de manière totalement décentralisée, sécurisée et transparente. Elle fonctionne comme un répertoire numérique public, où chaque modification ou transaction est enregistrée et validée de manière autonome par un réseau sécurisée. Une fois inscrites dans la blockchain, les données sont automatiquement datées et deviennent immuables, ce qui en fait un outil techniquement quasi-infaillible pour prouver ou tracer des transactions ou des informations.
L’intérêt d’une telle technologie sur le plan juridique est manifeste et offre de nombreuses applications potentielles.
En Belgique, comme ailleurs, elle pourrait par exemple transformer profondément le droit de la preuve, notamment en matière de droits intellectuels et de propriété des biens meubles et immeubles. Cette révolution repose sur la capacité de la blockchain à créer des registres immuables et transparents, ce qui modifie la manière dont la preuve de propriété peut être établie, contestée ou transférée.
Une alternative révolutionnaire au droit de la preuve classique
Le droit de la preuve repose généralement sur des documents écrits, des témoignages, ou encore des présomptions légales. Bien que le caractère libre de la preuve ait été renforcée par le nouveau livre 8 du nouveau Code civil, qui a également instauré la preuve par « vraisemblance », l’admissibilité de la preuve constituée via la blockchain reste, dans l’état actuel du droit belge, sujet à une insécurité juridique totale en raison de l’absence de dispositions légales régissant la matière.
Pourtant, le législateur a tout intérêt à s’intéresser à cette technologie afin de pouvoir profiter de ses caractéristiques inhérentes qui se révèlent particulièrement pertinentes pour renforcer le droit de la preuve.
En ce sens, la blockchain offre les garanties suivantes :
- Immutabilité des données : Une fois enregistrées, les informations sur une blockchain ne peuvent être altérées, offrant une preuve numérique fiable.
- Traçabilité : Chaque transaction ou enregistrement est horodaté et cryptographiquement sécurisé, garantissant l'authenticité des données.
- Accessibilité : Les données inscrites sur une blockchain publique sont accessibles à tous, ce qui peut réduit drastiquement la dépendance aux intermédiaires traditionnels.
Ces caractéristiques en font un outil idéal pour établir notamment la preuve d’un droit de propriété, en retraçant également l’historique des transferts et de la titularité du bien.
En Chine, les tribunaux avaient déjà été inspirés depuis plusieurs années par cette technologie, comme en témoigne la décision du tribunal « internet » de Hangzhou, rendue le 20 juin 2018, qui a suscité un intérêt mondial en reconnaissant la recevabilité de la preuve blockchain. Il s’agissait d’un contentieux de droit d’auteur où le demandeur n’avait pas désiré passer par un notaire pour certifier son œuvre, mais l’avait fait sur une blockchain. La Cour a reconnu et pris en compte l’ancrage sur la blockchain pour donner raison au demandeur, décision confirmée par la Cour Suprême chinoise.
Les législateurs belges et européens, souvent à la traîne sur le plan technologique par rapport à leurs voisins américains et asiatiques, auraient tout intérêt à tirer profit de cette innovation cruellement sous-exploitée afin de l’intégrer dans ce pilier du droit que constitue la preuve.
L’impact sur la preuve de la propriété des biens meubles
Dans le cas des biens meubles, comme les œuvres d'art, les voitures ou les bijoux, prouver la propriété est souvent complexe, car ces biens ne sont généralement pas enregistrés dans des registres officiels accessibles au public.
Dans l’état actuel de notre droit, l’essentiel de la preuve de la propriété des biens meubles repose sur la « possession ». Celui qui possède un bien meuble est en effet présumé en être le propriétaire. Or, dans la mesure où le possesseur n’est dans la pratique pas toujours le propriétaire du bien, cette règle génère de nombreux cas d’injustice qui pourraient être réglés par la technologie Blockchain.
La blockchain pourrait dans ce cas apporter un avantage considérable en associant par exemple chaque meuble à un certificat numérique de propriété qui pourrait être enregistré dans la blockchain.
De la sorte, la titularité du bien et l’historique des transactions pourraient être facilement démontrés dans le cadre d’un litige, ce qui permettrait de réduire drastiquement le nombre de procédures judiciaires qui, pour ce type de cas, s’avèrent généralement longues et coûteuses en raison de l’intervention d’experts ou de tiers (témoins, huissiers, …) afin de tenter de démontrer la propriété d’un bien.
L’impact sur la preuve de la propriété des biens immeubles
En matière de biens immeubles, la blockchain pourrait également révolutionner le cadastre belge et la gestion notariale.
Les principaux avantages seraient les suivants :
- Sécurisation des actes notariés : Les actes de vente et d’hypothèque pourraient être inscrits sur une blockchain afin de profiter de ses garanties inhérentes, ce qui permettrait d’accroître la sécurité juridique tout en simplifiant les recherches.
- Réduction des coûts et délais : Le transfert de propriété pourrait se faire instantanément via un smart contract, sans avoir à passer par des démarches administratives lourdes de publicité foncière.
- Transparence accrue : La blockchain pourrait intégrer des informations sur les antécédents du bien (travaux, sinistres, infractions urbanistiques, etc.), permettant aux candidats acheteurs d'avoir une vue complète sans devoir passer par un intermédiaire.
Certains pays, comme la Suède et la Géorgie, ont déjà expérimenté l’utilisation de la blockchain pour moderniser leurs cadastres et les résultats sont prometteurs.
Il ne fait quasiment aucun doute que la Belgique suivra tôt ou tard cette tendance.
Conclusion : Une opportunité technologique importante nécessitant de nombreuses adaptations
La blockchain n’est pas une solution magique, mais elle ouvre des perspectives fascinantes pour moderniser le droit de la preuve. En permettant des preuves numériques fiables, des transferts automatisés de propriété, et une transparence accrue sans intermédiaire, elle pourrait révolutionner le cadre juridique actuel en inaugurant une nouvelle ère de confiance et de transparence qui permettrait de réduire drastiquement le nombres de litiges et de procédures judiciaires.
Cependant, sa mise en œuvre nécessite une réflexion approfondie sur les implications juridiques, techniques et éthiques. De plus, pour garantir une adoption harmonieuse et sécurisée, la mise en place complète d’un tel système innovant nécessiterait une importante adaptation du cadre juridique actuel, qui aura certainement bien du mal à se détacher de ses intermédiaires traditionnels au profit de la technologie décentralisée offerte par la Blockchain.
Il fait toutefois nul doute que cette technologie s’immiscera progressivement dans différents secteurs en Europe, d’autant plus à l’heure actuelle où de plus en plus d’Etats, d’institutions et de grandes entreprises commencent à intégrer, ou du mois à tolérer, l’utilisation de la Blockchain dans leurs systèmes financier, monétaire et juridique.
Fort d’une expérience reconnue dans le domaine des crypto-monnaies et de leur technologie sous-jacente, chez Vanbelle law Boutique, nous nous ferons un plaisir de vous conseiller et de vous accompagner de manière innovante dans tous les aspects juridiques et fiscaux liés aux cryptoactifs.
Mirjan Gjoni
senior associate