Dans le cadre de transactions immobilières, la rédaction des compromis de vente est une étape cruciale, encadrée par des textes précis et souvent complexes.
En Belgique, un modèle de compromis dit « langage clair » a été élaboré depuis janvier 2020 par des représentants des professions d’agent immobilier et du notariat. Ce modèle vise à rendre le compromis de vente plus compréhensible pour les parties, notamment les acquéreurs.
Toutefois, loin de simplifier la situation, cette démarche de clarification semble avoir introduit des imprécisions dangereuses pour les acquéreurs. Ces omissions pourraient facilement conduire à des litiges lourds de conséquences.
Nous allons esquisser ci-après quelques exemples.
Condition suspensive d’obtention de financement: des ambiguïtés lourdes de conséquences
L'un des aspects les plus sensibles du compromis de vente est la condition suspensive d’obtention de financement par l’acquéreur. Cette clause est essentielle, car un nombre très important d’acquisitions immobilières en Belgique repose sur le crédit.
Sur ce point, le modèle de compromis « langage clair » est libellé comme suit :
« Cette vente est conclue sous la condition suspensive d’obtenir un financement par l’acquéreur d’un montant de # EUR, dans un délai de # semaines à partir de la signature de ce compromis.
L’acquéreur met tout en œuvre pour obtenir ce financement.
Si l’acquéreur n’obtient pas ce financement dans le délai fixé, l’acquéreur prévient son notaire # et l’agent immobilier # par mail. Il annexe la preuve du refus du financement au mail.
La vente est alors considérée comme inexistante et l’acquéreur récupère la garantie éventuellement payée.
Si l’acquéreur ne signale pas le refus du financement par mail dans le délai fixé, la condition suspensive est considérée comme réalisée. Cela veut dire que la vente se poursuit aux conditions prévues dans le compromis. »
Premièrement, le modèle de compromis actuel omet de prévoir une sanction explicite si l’acquéreur ne fait pas tout son possible pour obtenir ce financement. Le Code civil (article 5.144) prévoit pourtant que si une partie n’a pas fait le nécessaire pour lever une condition suspensive, cette condition est réputée levée. Par conséquent, la vente deviendrait parfaite, plaçant l’acquéreur dans une situation lourde de conséquence.
Il serait dans ce cas impératif d'inclure une clause rappelant cette obligation et ses conséquences afin d’éviter des divergences d’interprétation et la survenance d’un litige.
Une seconde grande faiblesse de ce texte réside dans l’absence de précision concernant les modalités d’obtention du crédit.
Notamment, il ne spécifie pas que le crédit doit être sollicité « au taux du marché ». Ce détail est crucial car l’acquéreur pourrait revendiquer un taux préférentiel, par exemple pour un logement social, ce qui complique nettement les démarches de financement.
La question de la notification du refus de financement et les réalités bancaires
Une autre lacune fondamentale du modèle réside dans l’obligation pour l’acquéreur d’informer son notaire et l’agent immobilier en cas de refus de financement, et ce, dans un délai fixé.
Or, en pratique, il n’est pas rare que l’organisme de crédit n’ait pas encore rendu sa décision à l’expiration du délai. Dans ce cas, l’acquéreur pourrait ne pas être en mesure de fournir la preuve du refus dans les temps. Le texte n’envisage pas cette situation courante, laissant la place à des interprétations divergentes, sources de conflits potentiels.
En l’absence de notification explicite du refus, la condition suspensive est considérée comme levée et la vente se poursuit. Ce silence est particulièrement problématique, car l’acquéreur pourrait être tenu pour défaillant malgré des circonstances indépendant de sa volonté, telles que le retard de l’organisme bancaire.
Or, il s’agit d’une réalité bancaire bien connue: les retards sont fréquents dans le traitement des dossiers de demande de crédit. Aujourd’hui, il est difficile, voire impossible, pour un acquéreur d’exercer une quelconque pression sur les organismes bancaires pour obtenir une réponse dans le délai contractuel. Cette omission de précision expose l’acquéreur à un risque juridique éminent qui n’est clairement pas prévu par le modèle de compromis « langage clair ».
Cette situation soulève une question importante : est-il juste de considérer qu’une vente est parfaite alors que l’acquéreur a respecté ses obligations en sollicitant un crédit, mais que la banque n’a pas encore statué ? Le Code civil est clair : si le texte d’un contrat est ambigu ou imprécis, il doit être interprété en faveur de la partie qui s’oblige, soit l’acquéreur dans ce cas. Cependant, l'absence de prévisions pour cette situation particulière dans le texte du compromis de vente pourrait, selon les circonstances, également conduire à des décisions judiciaires défavorables aux acquéreurs.
A l’instar de l’imprécision précitée, un autre problème réside dans l'absence de délai spécifié pour la notification du refus de financement. Le fait que le délai pour l'obtention du crédit soit clairement défini ne signifie pas que ce même délai s'applique à la communication du refus. L'acquéreur a en effet le droit d'attendre jusqu'à la toute dernière minute pour savoir si le crédit lui est accordé ou non. Il aurait donc été judicieux de prévoir un délai supplémentaire, court et bien défini, durant lequel l'acquéreur doit notifier le notaire et l'agent immobilier de ce refus.
Conclusion : la nécessité de rédiger un compromis plus précis pour éviter les conflits
Il est essentiel de comprendre qu’un compromis de vente, bien rédigé, doit avoir pour objectif d’éviter les litiges, et non de les générer. Or, en l’état actuel, ce modèle de compromis « langage clair » présente de nombreuses failles susceptibles de provoquer des divergences d’interprétation et des conflits entre les parties. La simplification excessive du langage juridique, si elle peut rendre le texte plus accessible, ne doit pas se faire au détriment de la rigueur et de la précision indispensables dans ce type de contrat. Cette situation est particulièrement problématique dans la mesure où ce modèle est très fréquemment utilisé par les praticiens de l’immobilier.
Face à ces ambiguïtés, il est donc impératif que le compromis de vente soit rédigé avec rigueur et précision, pour éviter toute mauvaise interprétation susceptible d'entraîner des litiges. Des clauses supplémentaires doivent ainsi être envisagées pour encadrer la condition suspensive d’obtention de crédit, notamment en introduisant un délai supplémentaire pour la notification d’un éventuel refus et en précisant les obligations de chaque partie de manière détaillée.
Les acquéreurs comme les vendeurs doivent être conscients de ces risques et veiller à ce que le compromis de vente soit rédigé de manière précise et exhaustive. Il en va de même pour les agents immobiliers et les notaires qui risquent de voir leur responsabilité civile engagée.
Fort de nos dizaines d’années d’expérience et d’excellence en droit immobilier, chez Vanbelle law Boutique, nous nous ferons un plaisir de vous accompagner à chaque étape de votre transaction immobilière. Si vous avez des doutes ou des questions concernant la rédaction d’un compromis de vente, nos experts sont à votre disposition pour vous offrir un conseil personnalisé et vous éviter des litiges coûteux et inutiles.
Mirjan Gjoni
senior associate